Méditation avec L'introduction à la vie dévote de St François de Sales
5 janvier
CHAPITRE XXXVIII
AVIS POUR LES GENS MARIÉS
Le troisième fruit du mariage, c'est la production et légitime nourriture des enfants. Ce vous est grand honneur, o mariés, de quoi Dieu voulant multiplier les âmes qui le puissent bénir et louer à toute éternité, il vous rend les coopérateurs d'une si digne besogne, par la production des corps dans lesquels il répand, comme gouttes célestes, les âmes en les créant, comme il les crée en les infusant dedans les corps.
Conservez donc, o maris, un tendre, constant et cordial amour envers vos femmes : pour cela, la femme fut tirée du côté plus proche du coeur du premier homme, afin qu'elle fût aimée de lui cordialement et tendrement.
Les imbécillités et infirmités, soit du corps soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer à nulle sorte de dédain, ains plutôt à une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a créées telles, afin que, dépendant de vous, vous en reçussiez plus d'honneur et de respect, et que vous les eussiez tellement pour compagnes, que vous en fussiez néanmoins les chefs et supérieurs.
Et vous, o femmes, aimez tendrement, cordialement, mais d'un amour respectueux et plein de révérence, les maris que Dieu vous a donnés; car vraiment Dieu pour cela les a créés d'un sexe plus vigoureux et prédominant, et a voulu que la femme fût une dépendance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et quelle fût produite d'une côte dicelui, tirée de dessous ses bras, pour montrer qu'elle doit être sous la main et conduite du mari.
Et toute l'Ecriture Sainte vous recommande étroitement cette sujétion, laquelle néanmoins la même Ecriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiez avec amour, mais ordonnant à vos maris qu'ils l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité :
« Maris, dit saint Pierre, portez-vous discrètement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. »
Mais tandis que je vous exhorte d'agrandir de plus en plus ce réciproque amour que vous vous devez, prenez garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que, comme le ver s'engendre de la pomme la plus délicate et la plus mûre, aussi la jalousie naît en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel néanmoins il gâte et corrompt la substance, car petit à petit il engendre les noises, dissensions et divorces.
Certes, la jalousie n'arrive jamais, où l'amitié est réciproquement fondée sur la vraie vertu : c'est pourquoi elle est une marque indubitable d'un amour aucunement sensuel, grossier et qui s'est adressé en lieu où il a rencontré une vertu manque, inconstante et sujette à défiance.
C'est donc une sotte vantance damitié, que de la vouloir exalter par la jalousie, car la jalousie est voirement marque de la grandeur et grosseur de l'amitié, mais non pas de la bonté, pureté et perfection dicelle; puisque la perfection de l'amitié présuppose l'assurance de la vertu de la chose qu'on aime, et la jalousie en présuppose l'incertitude.