Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
18 octobre
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CHAPITRE VII
Que l'amour de la volonté de Dieu signifiée ès commandements nous porte à l'amour des conseils.
Or, quand notre amour est extrême à l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiée ès commandements, mais nous nous rangeons encore à l'obéissance des conseils, lesquels ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandements, auxquels aussi ils se rapportent, ainsi que dit excellemment saint Thomas.
O combien excellente est l'observation de la défense des injustes voluptés en celui qui a même renoncé aux plus justes et légitimes délices:
ô combien celui-là est éloigné de convoiter le bien d'autrui, qui rejette toutes richesses, et celles mêmes que saintement il pourrait garder! Que celui-ci est bien éloigné de vouloir préférer sa volonté à celle de Dieu, qui, pour faire la volonté de Dieu, s'assujettit à celle d'un homme.
David était un jour en son préside (son camp, sa tente), et la garnison des Philistins en Bethléem. Or il fit un souhait, disant :
O si quelqu'un me donnait à boire de l'eau de la citerne qui est à la porte de Bethléem! Et voilà qu'il n'eut pas plus tôt dit le mot, que trois vaillants chevaliers partent de là, main et tête baissées, traversent l'armée ennemie, vont à la citerne de Bethléem, puisent de l'eau, et l'apportent à David:
lequel voyant le hasard auquel ces gentilshommes s'étaient mis pour contenter son appétit, ne voulut point boire cette eau conquise au péril de leur sang et de leur vie, ains la répandit en oblation au Père éternel.
Eh! voyez, je vous prie, Théotime, quelle ardeur de ces chevaliers au service et contentement de leur maître! ils volent et fendent la presse des ennemis avec mille dangers de se perdre, pour assouvir un seul simple souhait que le roi leur témoigne.
Le Sauveur étant en ce monde déclara sa volonté en plusieurs choses par manière de commandement, et en plusieurs autres il la signifia seulement par manière de souhait : car il loua fort la chasteté, la pauvreté, l'obéissance et résignation parfaite, l'abnégation de la propre volonté, la viduité, le jeûne, la prière ordinaire; et ce quil dit de la chasteté, que qui en pourrait emporter le prix, qu'il le prit, il l'a ainsi dit de tous les autres conseils.
A ce souhait, les plus vaillants chrétiens se sont mis à la course; et forçant toutes les répugnances, convoitises et difficultés, ont atteint à la sainte perfection, se rangeant à l'étroite observance des désirs de leur roi, obtenant par ce moyen la couronne de gloire.
Certes, ainsi que témoigne le divin Psalmiste, Dieu n'exauce pas seulement l'oraison de ses fidèles, ains il exauce même encore le seul désir d'iceux, et la seule préparation qu'ils font en leurs coeurs pour prier tant il est favorable et propice à faire la volonté de ceux qui l'aiment.
Et pourquoi donc réciproquement ne serons-nous si jaloux de suivre la sacrée volonté de notre Seigneur, que nous fassions non seulement ce qu'il commande, mais encore ce qu'il témoigne d'agréer et souhaiter?
Les âmes nobles n'ont pas besoin d'un plus fort motif pour embrasser un dessein, que de savoir que le bien-aimé le désire. Mon âme, dit l'une d'icelles, s'est écoulée soudain que mon ami a parlé.