Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales
29 octobre
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CHAPITRE XIII
Troisième marque de linspiration, qui est la sainte obéissance à lEglise et aux supérieurs.
A la paix et douceur du coeur est inséparablement conjointe la très sainte humilité. Mais je n'appelle pas humilité ce cérémonieux assemblage de paroles, de gestes, de baisements de terre, de révérences, d'inclinations, quand il se fait, comme il advient souvent, sans aucun sentiment intérieur de sa propre abjection et de la juste estime du prochain.
Car tout cela nest qu'un vain amusement des faibles esprits, et doit plutôt être nommé fantôme d'humilité, qu'humilité.
Je parle d'une humilité noble, réelle, moelleuse, solide, qui nous rend souples à la correction, maniables et prompts à l'obéissance.
Tandis que l'incomparable Siméon Stylite était encore novice à Tolède (monastère de Syrie, près du mont Coryphée, où S. Siméon passa plusieurs années.), il se rendit impliable (qui ne plie pas, inflexible, indocile) à l'avis de ses supérieurs qui le voulaient empêcher de pratiquer tant d'étranges rigueurs par lesquelles il sévissait désordonnément contre soi-même;
si que enfin il fut pour cela chassé du monastère, comme peu susceptible de la mortification du coeur, et trop adonné à celle du corps.
Mais étant par après rappelé et devenu plus dévot et plus sage en la vie spirituelle, il se comporta bien d'une autre façon, ainsi qu'il témoigna en l'action suivante. Car lorsque les ermites épars parmi les déserts voisins d'Antioche surent la vie extraordinaire qu'il faisait sur sa colonne, en laquelle il semblait être ou un ange terrestre ou un homme céleste, ils lui envoyèrent un député d'entreux auquel ils donnèrent ordre de lui parler de leur part en cette sorte :
Pourquoi est-ce, Siméon, que laissant le grand chemin de la vie dévote frayé par tant de grands et saints devanciers, vous en suivez un autre inconnu aux hommes, et tant éloigné de tout ce qui a été vu et oui jusqu'à présent?
Quittez, Siméon , cette colonne, et rangez-vous meshui (aujourd'hui) avec les autres à la façon de vivre et la méthode de servir Dieu usitée par les bons pères prédécesseurs.
Que si Siméon acquiesçait à leur avis, et pour condescendre à leur volonté se montrait prompt à vouloir descendre, ils donnèrent charge a un député de lui laisser la liberté de persévérer en ce genre de vie déjà commencé;
d'autant que par son obéissance, disaient ces bons pères, on pourra bien connaître qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine: mais si au contraire il résistait, et que, méprisant leur exhortation, il voulût suivre sa propre volonté, ils résolurent qu'il le fallait retirer par force, et lui faire abandonner sa colonne.
Le député donc étant venu à la colonne, il n'eut pas sitôt fait son ambassade, que le grand Siméon, sans délai, sans réserve, sans réplique quelconque, se print à vouloir descendre avec une obéissance et humilité digne du sa rare sainteté.
Ce que voyant le délégué : Arrêtez, dit-il, ô Siméon, demeurez là, persévérez constamment, et ayez bon courage, poursuivez vaillamment votre entreprise : votre séjour sur cette colonne est de Dieu.